13.1.07

The Garneau Block


Je sais que ce n’est pas nécessairement une nouveauté puisqu’il a été publié l’automne dernier, après avoir paru un chapitre à la fois de façon hebdomadaire dans le Edmonton Journal l’année dernière. Mais j’ai envie de vous parler de ce bouquin. The Garneau Block, de Todd Babiak. Le petit Babiak est un gars d’Edmonton, qui a grandi à Leduc (la ville qui regarde voler les avions qui quittent et atterrissent à l’aéroport international d’Edmonton). Il était étudiant à l’université de l’Alberta quand j’étudiais à la Faculté Saint-Jean (1994-95). Pendant qu’au campus du quartier Bonnie Doon, nous nous battions pour avoir une demie page en français dans le journal de la U of A, Todd Babiak y publiait à chaque semaine un billet bien mordant que je lisais avec fidélité. Son écriture avait une bonne dose d’humour et d’esprit, et il était mignon par-dessus le marché. Je l’ai rencontré, une fois, derrière le REBAR (nous fumions un joint en cachette avec les colocs et il était venu faire la même chose avec les siens). Je lui avais dit quelques mots à propos du Gateway (je ne me souviens plus très bien quoi…) et il avait été, franchement… snob (je ne me souviens plus très bien ce qu’il m’avait dit, mais le ton était plutôt condescendant). Quelle déception. J’apprenais que Todd Babiak était frais-chié. L’année d’après, il est parti faire sa maîtrise à Concordia, Montréal. Moi, j’ai créé, avec d’autres étudiants de la Fac, « Le Mouton noir ». Nous étions les rejets de l’université, autant avoir une feuille de chou qui parlerait pour nous.


Une dizaine d’années plus tard, le petit Babiak est de retour en ville. Il est le chroniqueur culturel du EJ et il a écrit deux romans. De temps à autre, je lis ses articles qui n’ont pas perdu de leur humour, mais c’est seulement quand je l’ai entendu parler de sa vision de la ville d’Edmonton que j’ai eu envie de lire The Garneau Block.

Les gens regardent souvent de haut « la ville des champions » (et je comprends pourquoi, avec un tel slogan…). Deadmonton, Edmonotone, les surnoms méchants abondent. Les gens d’ailleurs et même les edmontoniens nous demandent souvent : « tu viens du Québec, mais pourquoi tu choisis de vivre à EDMONTON?! »

C’est une bonne question. Et je n’ai pas toujours su y répondre.

« Ce sont les gens qui font une ville ». « Il n’y a pas de taxe provinciale ». « Les gens sont polis, ils arrêtent leur voiture pour nous laisser traverser la rue ». « Il y a de belles opportunités d’emplois… »

Oui, mais… il doit y avoir plus que ça?

Cet été, ça fera 13 ans que je vis ici. Selon moi, Edmonton est une ville caméléon. Tout au long de ma vingtaine, dans ma quête identitaire, dans ma quête vocationnelle, dans ma quête amoureuse, Edmonton a revêtu des personnalités différentes. J’avais toujours le sentiment de la découvrir sous un nouvel angle. Je m’y suis toujours sentie à la fois étrangère et tout à fait à ma place. Jamais vraiment chez moi, mais tout à fait confortable. C’est peut-être la magie des villes multiculturelles, des villes dépareillées ou toujours en pleine effervescence. Edmonton s’est toujours adaptée à ce que je vivais, elle a été le décor parfait de ma vie ici, tout en y jouant un rôle intégral.



Babiak mentionnait en entrevue de promotion que l’on dépeint toujours l’Alberta comme étant rurale et cow-boy. What about the cities? Il citait des auteurs comme Mordechai Richler, Michel Tremblay et Leonard Cohen qui ont intégré la ville de Montréal à leurs œuvres. Ils lui ont donné un « pouvoir mythique ». La ville est le décor, mais la ville est aussi le personnage, elle joue son rôle. Au Québec, depuis Tremblay, on a situé des centaines de récits sur le Plateau Mont-Royal, que ce soit en littérature, au cinéma ou à la télé. En fait, le québécophile qui n’aurait que ces œuvres pour se faire une idée du Québec penserait que tous les Québécois sont de jeunes trentenaires ayant des problèmes de fidélité, magasinant sur la rue Saint-Denis et travaillant soit dans le milieu du théâtre ou celui des magazines de mode (d’ailleurs, ça commence à me taper un peu sur les nerfs tout ça).

Avec The Garneau Block, Babiak a voulu mettre en scène une des quartiers les plus vibrants d’Edmonton et quelques-uns de ses archétypes sociaux. Suite au mystérieux meurtre d’un habitant du quartier Garneau, on suit les tribulations d’une trentenaire enceinte qui vit dans le sous-sol de ses parents, son meilleur ami, un comédien gay qui remet sa vie en question, un prof de philo lubrique qui se bat avec son démon du midi, un couple de retraités qui partagent leurs passions entre l’activisme et des envies de gloire au Parti conservateur et un jeune millionnaire sikh qui subventionne des artistes. On leur apprend finalement que leurs résidences seront bientôt détruites pour laisser place à un nouveau centre universitaire. Autour de ce qu'on a baptisé ici "le district théâtral" à cause du grand festival Fringe et des nombreuses salles de théâtre, autour du High Level Bridge, de l’avenue Whyte, de l’université et du café le Sugar Bowl, les personnages et l’auteur nous dévoilent alors tout ce qui fait d’Edmonton, une ville de … « champions », à sa manière.


Si vous ne connaissez pas Edmonton et ne comprenez pas pourquoi je n’y suis pas misérable depuis tant d’années, lisez The Garneau Block, aux Éditions McClelland & Stewart.

2 commentaires:

Pat Henri a dit...

Tu m'as eu... Je suis allé l'acheter aujourd'hui le livre. Je pense qu'il va en dépasser une couple dans la pile des livres à lire (pile qui devient de plus en plus imposante)

Joyeux Noël !

Pat Henri

Anonyme a dit...

Un snob? Un homme sans confiance, peut-etre. Quand j’étais jeune, avec les femmes belles, j’étais un peu bizarre. J’ai voulu dire quelque-chose charmant et, chaque fois, je dirais quelque-chose prétentieux. Je suis désolé que j’étais frais-chié (j’aime cette phrase). Peut-être nous pouvons prendre un café et vous allez voir que je ne suis pas frais-chié ou snob. Merci pour le blog, Josée, et pour le recommendation. Je ne le mérite pas, évidemment.

-le petit babiak