23.4.08

Post-partum

Je dois l’avouer, je suis en post-partum théâtral. Durant les jours qui ont suivi la dernière représentation du Cadeau d’Einstein, ça allait bien. Je flottais encore sur les dernières vagues d’adrénaline, je gardais dans le cœur les derniers applaudissements et je riais encore des derniers fou-rires avec l’équipe. J’en ai profité pour voir toutes les copines que j’avais négligées pendant mon rush de travail et on a pris des cafés sur des terrasses, on a parlé de nos vies et de nos vacances d’été en soupirant de bonheur. J’ai même poussé le plaisir jusqu’à m’offrir le luxe d’un magasinage de vêtements et d’une coupe de cheveux. J’ai fait le ménage de ma garde-robe, ma liste de bagages pour l’Italie, j’ai lu un livre que je n’avais pas encore eu le temps de lire, j’ai mis à jour tous mes autres projets… I was on a roll… Wouuuu hooooouuuuu!!!

Et puis le week-end est arrivé. J’avais surfé sur les dernières gouttelettes de mon hyperactivité. Et je me suis retrouvée en plein période prémenstruelle. Et, comble de malheur, le thermomètre a dégringolé et un hiver de neige nous est tombé dessus. Ouch. Sans trop m’en rendre compte, mon corps s’est soudainement zombifié… J’ai réclamé mon lit et des heures et des heures de sommeil pour fuir la triste réalité.

Bon. Il faut bien cuver son buzz comme on cuve son vin. Il faut retrouver son rythme, il faut s’adapter à de nouveaux projets, à une nouvelle peau. Et je dois tout de même vous rassurer et vous dire que ça va déjà beaucoup mieux aujourd’hui, puisque le beau temps est revenu et que mon baromètre hormonal s’est stabilisé de nouveau.

Mais il y a toujours cette petite chose qui nous tracasse quand on termine un show. À quand le prochain buzz de la même ampleur? À quand le retour de nos pieds sur ces planches qui brûlent si fort qu’elles nous rendent fous?




Tous les sens

Le nouvel album d’Ariane Moffatt, Tous les sens, est sorti hier. Elle le décrit elle-même comme étant lumineux, léger et… sensuel, bien sûr. Retraçant son parcours musical, elle explique que son premier album, Aquanaute, serait celui de l’eau. Le cœur dans la tête, plus sombre, plus sablonneux, serait celui de la terre. Tous les sens s’inscrirait donc dans l’élément aérien. Un album plus positif, qui creuse peut-être un peu moins dans les zones douloureuses de la chanteuse. Moi, je le perçois comme une grande respiration soulageante, un équilibre trouvé (dans le yoga peut-être?) et la prise de conscience du moment présent (elle chante : Je veux tout, tout de suite et ici…) Pour moi, cet album tombe juste à point, avec l’été qui s’en vient, le voyage en Italie, le besoin de se dorer au soleil, de bien manger et de se combler des bonheurs de la vie... Tous les sens va sûrement m’accompagner pour les mois à venir.

J’aime bien Ariane Moffatt. J’aime bien l’artiste et la fille aussi. Elle a 29 ans, j’ai quelques années de plus, et nous ne sommes pas tout à fait à la même place dans nos vies, mais je sens des similitudes entre son parcours et celui que j’ai eu. Une fille excessive, gourmande de la vie et de tout, très sensible et passionnée. Oscillant entre le côté sombre et le côté lumière de sa vie et de ses amours. J’aime qu’elle soit restée elle-même malgré le succès qu’elle connaît. J’aime qu’elle soit ‘normale’, qu’elle ne ressemble pas à une pitoune bien marketisée, avec la coupe à la mode que toutes les filles portent, et le look à la mode que toutes les filles portent.

Je trouve aussi intéressant que la direction artistique de sa pochette et son style vestimentaire fasse référence aux films de la Nouvelle vague, À bout de souffle de Godard, en particulier. Lors de mes études en cinéma, j’ai eu une petite fixation sur ce mouvement artistique et j’ai toujours aimé l’esthétisme du cinéma de cette époque. Le noir et blanc de l’image, la simplicité des décors captés sur le vif, l’urbanité des personnages, le look un peu garçon mais en même temps ultra-féminin des héroïnes... Avec ses petits cheveux courts, le pantalon skinny noir à la Audrey Hepburn, les boucles d’oreilles rondes, l’omniprésence du noir et du blanc, les tissus à rayures et aux imprimés voyants, les robes années 60, Mademoiselle Moffatt a le sens du look et je la félicite de ne pas avoir eu peur de mettre ses rondeurs en valeur pour s’approprier ce style qui a surtout été incarné par des femmes plutôt délicates et très minces. Ariane décrit son style comme étant un mélange de Jean Seberg et Astro le petit robot… Voilà ce qui s’appelle un style « fusion ». Et ça marche, parce qu’elle l’assume.

Pour la voir et l'écouter: www.arianemoffatt.com

14.4.08

Toujours vrai


Depuis hier après-midi, je ne suis plus Clara Immerwahr. Cette femme forte, intelligente et passionnée a vécu en moi pendant près de deux mois. Parfois, la vie nous offre la chance d’entrer dans la peau d’un personnage magnifique, qui semble avoir été fait pour nous, sur mesure.


Comme je joue plus souvent la comédie que le drame, et puisque mes expériences théâtrales m’ont souvent fait voyager dans des sphères poético-abstraites (après tout, j’ai joué une femme-cheval, faut le faire…), le personnage de Clara Immerwahr a fait vibrer plusieurs cordes en moi. Clara Immerwahr était une féministe avant son temps. Première femme à obtenir un doctorat de chimie en Allemagne, elle était guidée par le désir d’améliorer le sort de l’humanité et plus particulièrement celui des femmes. Tout comme son mari Fritz Haber, elle avait la conviction que le rôle de la science repose sur sa mise en pratique. La science pour le bien de l’humanité.

Immerwahr veut dire « toujours vrai » en allemand. Clara Immerwahr vivait selon des principes et des convictions qu’elle n’a jamais trahis. Son sort fut donc tragique puisqu’elle n’a jamais été reconnue pour son travail de chimiste en collaboration avec son mari. Elle fut lentement anéantie par une société qui ne reconnaissait pas la place des femmes, puis fatalement trahie par l’homme avec qui elle avait fait le pacte de toujours continuer à chercher, à travailler, à savoir. Fritz Haber, chimiste de génie, intellectuel ambitieux, récipiendaire du Prix Nobel, sauvera d’abord l’Europe de la famine, mais verra ensuite son travail mis au service de la machine de guerre. Le gaz chlorique, aussi appelé le gaz moutarde, fera des ravages dans les tranchées de la Première guerre. Et son pesticide agricole, le Zyklon, servira ensuite dans les camps de concentration nazis. Son grand ami Alberta Einstein l’aura prévenu toute sa vie des dangers de la science au service du gouvernement. Mais, en août 1945, quand la bombe atomique éclatera à Hiroshima, Einstein découvrira que sa science était elle aussi un cadeau empoisonné.


Le métier d’acteur est encore nébuleux pour moi. Je suis une autodidacte du théâtre, j’ai toujours ‘joué’, imaginé, rêvé, créé des histoires, et comme je passe de la mise en scène à l’écriture et au jeu un peu au hasard des projets qui se présentent à moi depuis plusieurs années, mon travail d’actrice est toujours une révélation, une découverte. C’est parfois joyeux, parfois pénible, parfois naturel, parfois complètement perturbant. Dans le cas du Cadeau d’Einstein, je dois dire que l’expérience fut… passionnante. Prenante. Dès le tout début des répétitions, la magie a été au rendez-vous. Avec toute l’équipe. Même dans les moments de doute, de questionnements, de déroute, nous avons pris le parti de nous investir à fond, d’être toujours vrais, et ça a marché.

Je remercie l’univers pour ce très beau cadeau.