24.4.07

Mon toit

Bon, vous le savez déjà, le boum économique a fait monter, entre autre chose, le prix des maisons et le prix des loyers en Alberta. Des prix RIDICULES, si vous voulez mon avis, une situation grotesque et, maintenant, carrément dommageable pour la population edmontonnienne. Ce n’est pas un phénomène nouveau, l’expansion, la gentrification, toutes les grandes villes y font face et moi, ça m’inquiète énormément.

Voyez-vous, Edmonton est une ville très culturelle, remplie d’artistes (je sais, ça surprend toujours les gens, mais y’a pas que des cowboys et des magnats du pétrole dans le coin). Pendant 9 ans, j’ai habité dans ce qu’on appelle un « fourplex », un petit bloc avec 4 appartements construits sur deux étages. Nous avions donc 3 chambres à l’étage et une au sous-sol. Au rez-de-chaussée, un grand salon avec balcon, une grande cuisine et une petite salle de bain. En plus de la chambre du sous-sol, un espace pour la laveuse-sécheuse et l'entreposage. Le prix de ce grand loyer? 600$. Aucune augmentation en 9 ans et toujours au minimum 4 locataires dans la place. Si vous faites le calcul assez vite, de 21 à 30 ans, ça ne m’a pas coûté très cher pour me loger et ça m’a permis de lentement développer une carrière d’artiste pigiste, en plus de voyager à tous les ans. Pensez-vous que j’en serais là si j’avais eu à payer 800 ou 900$ par mois pour avoir un toit sur ma tête?

Combien coûte un tel appart maintenant? Multipliez au moins par deux et, dans certains cas, par trois. Mais le problème ne réside pas seulement dans le coût. Les petites maisons qui étaient autrefois à louer ont toutes été vendues (dans le centre de la ville, rien ne se vend plus en dessous de 300 000$ maintenant) et les duplex, triplex et autre plex, en plus de plusieurs blocs-appartements, ont tous été transformés en condominiums et vendus, à gros prix, dans le temps de le dire.

À pareille date l’année dernière, juste après la fin des cours universitaires, je voyais chaque jour deux ou trois appartements à louer. Cette année, je peux compter sur les doigts de ma main les logements affichant le signe « For Rent ». Je connais plusieurs amis qui ont été gentiment expulsés de leur appart parce que leurs bâtiments se font raser pour laisser place à la construction de méga-complexes de condos de luxe (qui, dans quelques années, seront probablement déclarés « leaky condos », comme bien d’autres. Et le pire là-dedans, c’est que les gens les achètent quand même, à 250 000$ et même plus…). Ces amis délogés cherchent en vain des apparts décents. La plupart d’entre eux gagnent de bons salaires, mais sont découragés à l’idée de payer 1000$ pour un « one-bedroom »…

Comment font donc les gens qui gagnent 10$ de l’heure? Comment feront donc tous les artistes qui ont choisi Edmonton et l’appréciaient pour sa qualité de vie?

Dans des villes comme Montréal, Toronto ou New York, la gentrification pousse toujours les artistes à changer de quartier. Quand les vrais artistes montréalais (pas la petite poignée qui fait le front d’Échos-Vedettes) n’ont plus été capables de se payer le Plateau Mont-Royal, ils ont migré vers Hochelaga-Maisonneuve ou Saint-Henri. À New York, ils se sont installés à Brooklyn et maintenant ils sont encore forcés de bouger vers Queens.

Le problème avec Edmonton, c’est qu’il n’y a pas de vieux quartier pas encore « hip », il n’y a rien en dehors des limites de la ville, sauf les nouvelles banlieues, justement, qui ont poussé comme des champignons et offrent des paysages carton-plâtre de grosses cabanes à 4 garages toutes collées les unes sur les autres, sans arbre et sans caractère.

Où iront les artistes, les marginaux, les jeunes familles d’Edmonton puisqu’ils ne pourront jamais se payer des cabanes à 400 000$? Je me le demande bien. Surtout que je fais partie de ces gens-là.

Seb et moi voulions trouver un plus grand logement l’année dernière. Louer une petite maison peut-être. Au moins, avoir une pièce de plus pour faire une chambre d’amis et un bureau. Cette alternative est devenue carrément impossible. Pour le moment, on s’accroche, en croisant les doigts, à notre petit « one-bedroom » en plein cœur du Old Strathcona. On embrasse nos planchers de bois franc, on savoure notre bon deal à 560$ par mois et on remercie l’univers d’avoir des proprios humains qui n’ont pas augmenté le prix de notre loyer encore, simplement parce qu’ils pourraient le faire (il n’y a pas de régie du logement en Alberta, les proprios peuvent donc faire ce qu’ils veulent… et ils le font).

Avant, je me disais « il y aura toujours Saskatoon! », mais non, ce n’est même plus une option puisque les villes de la Saskatchewan connaissent maintenant le même problème depuis qu’ils ont découvert des sables bitumineux dans le nord de la province!

Bah… si jamais on nous pousse au pied du mur et qu’on est obligés de nier nos vocations pour devenir fonctionnaire ou ingénieur, tant qu’à payer 1500$ de loyer par mois, on ira s’installer à Vancouver. Au moins, on aura la mer.

23.4.07

AVRIL: point final

Le mois d'avril met un point final à bien des choses: fin de l'hiver (en théorie), fin de l'année universitaire, fin des saisons artistiques, fin des rapports d'impôts, etc. Toutes ces fins m'accaparent et expliquent bien pourquoi je n'écris pas souvent dans mon blog depuis quelques semaines.


Mais, cette année, s'ajoute aux moments émotifs d'avril une bonne nouvelle de la part de la bureaucratie gouvernementale: voyez, sur la photo, le visage du soulagement. Mon chéri, monsieur Sébastien Guillier-Sahuqué est officiellement résident permanent du Canada!

On a fait péter le champagne pour l'occasion (du vrai, quand même, sauf pour les verres) et on a partagé ça avec les amis, mon frère et mes nièces. Enfin, l'attente et l'inquiétude sont apaisées. On peut continuer à bâtir notre vie et entamer de nouveaux projets ici! Jusqu'aux prochaines démarches... avec la bureaucratie française. Aie aie aie.



Mais pour le moment, on travaille fort, le Gala albertain de la chanson s'en vient à grands pas. La semaine dernière, nous étions à Calgary avec l'équipe. Les artistes de l'édition 2007 ont donné un très bon show. Devant 240 ados, c'était le délire! Ils ont même eu droit à la signature d'autographes après le spectacle. Le début de la gloire, je vous dis!

Si vous voulez en savoir sur nos artistes musicaux, visitez le www.musique-alberta.ca

14.4.07

Start spreading the news...


Comme à tous les printemps, j'ai des fourmis dans les pieds. Je célèbre d'ailleurs cette année 10 ans de voyages annuels. En 1997, lors de la longue fin de semaine du congé de la reine, je me suis envolée vers l'Europe pour la première fois. L'année suivante, toujours à la mi-mai, je partais voyager trois mois en Amérique centrale. Après, les dates de départ se sont éparpillées entre mai et septembre, mais tout de même, à chaque année, quand arrive avril... j’ai envie de faire mes bagages, je parcours les rangées de livres de voyage dans les librairies, je rêve de prendre le taxi pour l'aéroport.

Cette année, je mets le cap sur l'est du pays, pour voir famille et amis, mais avant, je fais un petit détour. Je me gâte. Une petite semaine à NEW YORK. Start spreading the news, I'm leaving on May 15th!

Section « travel » du libraire de la Whyte Ave, j'ai spotté rapidement le logo de Lonely Planet et me voilà avec une nouvelle bible de chevet: NYC.


J’ai visité New York qu'une seule fois, il y a 17 ans. J'en avais donc 17 (et il faudra bien que j'y retourne quand j'aurai 51 et 68 ans, parce que j'aime bien ça, les cycles). Nous étions donc 105 filles, à la veille de terminer nos études secondaires, lancées dans Times Square, virées sur le top de l'Empire State Building, buzzées de prendre le métro new-yorkais, flabergastées de voir la statue de la liberté, émues devant le Dakota où Lennon a été assassiné. L’image la plus forte, gravée sur ma rétine : au loin, le skyline de Manhattan, en arrivant en autobus. La Husdon River entourant un paquet de gratte-ciel et deux tours immenses qui dépassaient de tout ça. Deux tours de Babel pour s'approcher des dieux. Qui aurait cru que, onze ans plus tard, elles seraient réduites à un déluge de poussières...


L’idée que je me faisais de New York, même avant 1990, a été modelée par la télé et les films. Vous vous rappelez de Sesame Street? Les personnages réels et les marionnettes se tenaient sur les larges escaliers des brownstones. À côté, des poubelles d’aluminium d’où sortait le Cookie Monster et des petits lampadaires verts aussi grands que Big Bird. Même à 3 ou 4 ans, New York semblait cool, multi-ethnique, artistique. J’ai joué longtemps avec la maison Sesame Street de Fisher Price. Sans le savoir, j’aimais déjà les vieux appartements de briques avec des planchers de bois franc, les rues animées, les ruelles qui montrent l'envers du décor, l’exostisme et la bonne bouffe qu'apportent les quartiers chinois, italiens, juifs, latinos...




Et puis le film FAME à confirmer tout ça. Une école de « performance arts ». Ça y était. Je voulais vivre là, moi.


J’ai ensuite admiré ou imaginé New York en regardant The Cosby Show, les films Splash et Big avec Tom Hanks, l’émission Friends, Sex and the City, sans oublier les Woody Allen et les Martin Scorcese, et puis Spike Lee. Ah… New York.


New York a bien changé depuis Sesame Street, même depuis Sex and the City. Il faut maintenant voir Brooklynn, Queens et le Bronx pour avoir une petite idée de New York. Il faudrait avoir plus d’une semaine pour sentir qu’on y a vraiment mis les pieds. J’espère que ça ne me prendra pas 17 ans pour y retourner.

4.4.07

N’ajustez pas vos écrans, c’est fini.

Comme vous le savez peut-être, je n’ai pas le câble. Mais avec une bonne paire d’oreilles de lapin, on arrive chez moi à capter très clairement 6 chaînes, dont Radio-Canada et CBC. Tout ce dont j’ai besoin, vraiment. Bah… disons que si j’avais une baguette satellite magique, je ferais apparaître sur mes ondes la délicieuse ARTV, mais sinon je suis pleinement satisfaite de ce que me procure le tube cathodique (je ne suis évidemment pas rendue au HD).

Avec ce choix limité de chaînes, on se retrouve automatiquement limité quant aux choix de séries à suivre. Et, afin de rester connectée à la culture québécoise (question de suivre les conversations pop-culturelles des amis et de la famille quand je retourne dans l’est), j’ai adopté plusieurs séries radio-canadiennes de la dernière décennie.

Un gars, une fille, La vie, la vie (la meilleure d’entre toutes, sans contredit), Rumeurs (joyeuse consolation quand La vie, la vie a pris fin), Les Bougon, sans oublier les émissions culturelles ou d’affaires publiques comme Tout le monde en parle (évidemment).

Parfois, je n’accroche pas à la première saison d’une série et puis, un jour, je me réveille et j’aime ça. Ça a été le cas de l’excellent Minuit, le soir, qui se terminait la semaine dernière, et de l’émission Les Invincibles, qui a pris fin lundi.


LES INVINCIBLES

J’avais attrapé Les Invincibles lors de sa première saison, intriguée par le travail du groupe de François Létourneau et de ses boys, que j’avais bien aimé dans Québec-Montréal et un peu moins dans Horloge biologique. Mais, en visionnant les premiers épisodes, j’avais tellement DÉTESTÉ ces quatre pauvres mecs que je n’avais pas pu continuer. Les personnages des invincibles ont exactement mon âge et j’avais l’impression de vivre un flashback surréaliste de mes années de Cégep et d’université, avec tous ces gars lâches et menteurs et fuyants et égocentriques qui peuplaient nos amourettes à mes amies et moi (pas étonnant que je sois partie dans l’Ouest, un peu beaucoup parce que je couvrais une peine d’amour ridicule pour un gars typiquement invincible qui avait été lâche, menteur, fuyant et égocentrique avec moi. J’ai d’ailleurs fait un petit calcul très scientifique pour aboutir à cette statistique très révélatrice : seulement 28% des hommes que j’ai fréquentés dans ma vie étaient des Québécois.)


Bref, ces loosers ne m’étaient pas du tout sympathiques et ce n’est que cette année que j’ai appris à AIMER LES HAÏR! Yé! Dans la dernière saison, les loosers se calaient dans leur médiocrité, ils se roulaient dans leur bassesse et ils se faisaient encore plus fourrer par les femmes! Quelle jouissance. Voilà, j’ai eu l’impression de me venger des petits machos poches de mon adolescence. Alors, oui, j’ai adoré tous les épisodes jusqu’à la finale, j’ai peu à peu eu de la compassion pour Steve, et puis pour l’autre, le Rocker au père encore plus looser que lui… Pour ce qui est de P-A, le personnage que je méprisais le plus, j’ai été agréablement surprise de voir qu’il avait trouvé un peu d’empathie en lui pour vouloir assister à la naissance de l’enfant d’une de ses « victimes » (mais j’aimerais bien voir l’éducation masculine qu’il donnerait à ce bébé garçon puisqu’on a maintenant vu de qui il a à retenir en matière de paternité). Et Carlos, pauvre petit Carlos, minus minable… qui se retrouve en enfer encore une fois avec Lyne la pas fine. Qui se ressemblent s’assemblent. Ben bon pour vous! Et ils vécurent malheureux et firent des enfants fuckés.



MINUIT, LE SOIR


Minuit, le soir… Ahhhhhhhhhhhhhhhhhhhh. De la BONNE télé.

Wow.

Un nom.

(Non, pas Claude Legault. Même si je trouve, moi aussi, qu’il est à croquer).

Un nom? PODZ.

Un des meilleurs réalisateurs du Québec. Un artiste qui sait faire taire sa caméra pour nous montrer les silences les plus évocateurs des personnages les plus attachants. Les écorchés vifs de Minuit, le soir n’avaient pas besoin de jacasser pour nous montrer leurs blessures d’enfance. Leurs peurs étaient tangibles et la caméra de Podz a su les capter. Une trame narrative qui saute et avance et recule et tournoie mais qui raconte efficacement. Un jeu d’acteurs retenu et nuancé qui nous permet de plonger dans leurs yeux, jusqu’au fond d’une intériorité brute, encore saignante. On ne peut pas s’empêcher de s’attacher à tous ses personnages. On veut qu’ils soient heureux, on veut que Fanny se laisse aller à aimer Marc, on veut que le Vieux soit notre voisin d’à côté, on veut que le Gros se fasse une blonde. On veut tous les prendre dans nos bras pour leur dire que tout va bien aller.

Et même une fois que le corps du P’tit gît sur le sol, ensanglanté, même en regardant le générique se dérouler sous nos yeux, on se demande encore qui va prendre soin de Fanny, qui va consoler Louis et Anne-Julie, qu’est-ce qui va arriver au Sass, qui va les adopter de nouveau, comme nous, les téléspectateurs, l’avons fait depuis trois ans. On s’inquiète, comme si ces personnages-là, au-delà de la fiction, étaient vraiment devenus nos amis.

Ça, c’est la preuve que le Québec fait de la maudite bonne télé.