25.1.07

Basketball diaries





Depuis l’an dernier, je fais partie d’un cercle d’écriture qui regroupe 5 femmes de différentes générations (nous avons entre 33 et 75 ans) et de plusieurs origines (Magali a grandi à Paris; Jocelyne est arrivée du Nouveau-Brunswick; Pierrette est une francophone du nord de la province et Nathalie a quitté le Rwanda à cause du génocide). Nous avons tout de même plusieurs choses en commun, les plus importantes étant que… nous sommes des femmes, nous sommes francophones et nous vivons à Edmonton. Nous écrivons ensemble dans le but de publier un recueil de nos textes; poèmes, nouvelles et récits autobiographiques.

Il y a quelques semaines, pendant un remue-méninges d’écriture sur l’adolescence des filles, j’ai eu un flash. Le basket. La plupart de mes souvenirs d’adolescence tournent autour de mon expérience de basketballeuse.

Hum… Je vous entends d’ici :

… han… ?!

Pour les lecteurs qui ne connaissent pas mon « autre vie » (celle qui précède mon arrivée en Alberta à 21 ans), je vous préviens : noyez votre scepticisme! Je ne fais même pas 5 pieds et 1 pouce. C’est vrai. Je n’ai pas le profil très sportif. Je vous l’accorde. Et à vrai dire, je ne suis pas du tout compétitive. Mais je vous le jure, j’ai réellement à mon compte 7 années de basket et même 2 années en tant que coach.

Eh.


1982-83

Tout a commencé à cause de mes frères. Ils jouaient au basket. (Et au hockey, et au baseball, et au soccer, et au football…). Mais le basket, c’était vraiment cool. Pour les filles aussi. Mon père avait cloué un panier de basket sur le toit de la remise et mes frères m’ont donné le droit de toucher au ballon (les patins blancs n’étaient pas admis sur la patinoire quand les boys jouaient au hockey et ma seule expérience de baseball se résume à recevoir un bâton de métal sur le nez parce que « j’étais dans les jambes », c’est-à-dire, derrière mon frère, quand il a batté…). Mes frères m’ont même permis de lancer au panier. Et ils ont été impressionnés : j’avais un talent inné, une très bonne technique de lancer! Gonflée de fierté, j’étais toute oreille quand ils m’ont alors appris à faire des « lay ups » et à dribbler (pas évident sur le gazon parcellé de pierres des champs, mais parfois on avait l’asphalte du « car pot » quand les voitures étaient sorties).

Puis, mes copines d’enfance Julie et Marie-Claude ont embarqué dans le trip. Nous avons d’ailleurs abandonné les Jeannettes pour nous consacrer uniquement au… mini-basket (le basket à l’école primaire). Finis les jeux de macramé dans un sous-sol et les chansons de Jésus autour du feu, nous faisions partie d’une équipe, d’une ligue, nous avions un vrai coach, des pratiques et des tournois.

C’était la belle époque des années 80, la roulathèque et le disco n’étaient plus tendance, maintenant c’était les chandails chauve-souris en coton ouaté, les leggings, les bottines Converse et Nike, sans oublier les bandeaux et les poignets de réchauffement en ratine. Nous étions des sportives, nous n’avions plus rien à envier aux garçons.


L’école secondaire

J’entre ensuite au Collège Marie-de-l’Incarnation. Les ursulines qui enseignent encore se comptent déjà sur les doigts et les laïques mènent la baraque, mais le programme de sports est un des meilleurs en Mauricie. À cause de ma super technique de lancer, j’ai toujours été sélectionnée pour jouer dans les meilleures équipes (nous participions à des ligues provinciales), mais comme je n’étais ni rapide, ni grande, ni bonne, je deviens vite une « bencheuse »professionnelle (traduction : je « jouais sur le banc »… traduction : je ne jouais pas beaucoup). Mais j’aimais l’expérience sociale qu’était le basket et j’ai souvent été capitaine de mon équipe. Faut croire que j’avais du leadership et que je savais être amie avec toutes mes coéquipières.

D’ailleurs, je pense que c’est grâce au basket, à mon expérience en tant que joueuse, capitaine et coach, si j’ai développé les aptitudes nécessaires au travail de mise en scène et de direction artistique. J’ai appris à travailler en équipe, à diriger un groupe et j’ai développé des techniques pour entrer en contact avec chacun selon sa personnalité et sa façon de travailler… Quand on y pense, il n’y a pas beaucoup de différences entre donner un bon show et jouer un bon match. On pratique, on s’entraîne, on travaille en équipe, on a le trac et quand le temps est venu de performer… on donne son 150%.


La crise d’adolescence

Quand je pense à mes années de basket, je me rappelle surtout des larmes et des rires dans les vestiaires, avant ou après un match ou une pratique. Des larmes parce qu’on avait perdu contre des pas-bonnes qu’on battait habituellement haut-la-main. Des larmes pour des peines d’amour. Des larmes à cause d’une mauvaise note dans un examen de chimie. Des larmes parce que des parents divorçaient. Des rires pour des histoires de gars complètement colons. Des rires remplis de larmes en criant « tous des chiens! ». Des rires de nervosité en entrant illégalement dans les catacombes secrètes sous le collège. Des rires amoureux en regardant les mecs (plus vieux) du Séminaire jouer au tournoi du Takefman. Des rires en apprenant que les « chanteurs » de Milli Vanelli sont vraiment des twits. Des rires en se rappelant que deux ans plus tôt on trouvait Patrick Swayze tellement beau.


On était des vraies adolescentes. Parfois charmantes et parfois méchantes. En pleine quête d’identité et d’harmonie. Des montagnes russes d’émotions et d’hormones. On avait un kick sur le coach pendant une minute, la minute d’après on le haïssait pour le tuer. On s’inventait des rivalités avec les équipes des polyvalentes parce qu’on pensait qu’elles nous haïssaient parce qu’on allait à l’école privée. On attachait nos cheveux coupés en dégradés avec du tape blanc athlétique pour cacher nos barrettes de métal qui étaient interdites par les arbitres. On se faisait des confidences, on se trahissait, on bitchait, on se chicanait puis on se réconciliait. Parce que dans le fond, on s’aimait.


Je me rappelle aussi de tous ces longs moments d’attente. On attend beaucoup quand on est adolescent. On attend que l’adolescence finisse surtout. Mais on attend d’abord le début de la pratique après les cours. On attend notre lift après la pratique. On attend le bus pour aller au centre d’achats toutes ensemble. Et pendant tout ce temps, on parle. On grandit. Ensemble. Pendant tout ce temps, au moins, on n’est pas toutes seules.


Le choix de Josée

Je dois par contre l’avouer, c’est peut-être aussi à cause du basket que ma carrière artistique a été si lente à se concrétiser. J’ai fait beaucoup d’impro et d’animation à l’école, j’ai aussi joué dans des pièces avec le cours d’art dram. Mais au collège où j’allais, LE SHOW qui pouvait nous lancer sur la bonne voie si on avait la vocation artistique (ce que je n’admettais pas encore) avait lieu en secondaire 5. En collaboration avec le Séminaire de Trois-Rivières, les élèves montaient une comédie musicale de très grande envergure. Il fallait passer des auditions, chanter et jouer, et les répétitions s’étendaient de septembre à mai jusqu’aux représentations qui avaient lieu à la Salle J-Antonio Thompson, attention, mes amis. Il fallait donc faire un choix : jouer au basket… ou faire partie de la comédie musicale.


Une dernière année avec ma gang de filles avant de se séparer pour le Cégep, une dernière année à jouer au basket avec mes meilleures amies, mes coéquipières… je ne pouvais pas les laisser tomber pour aller faire du théâtre! Alors oui, j’ai choisi le basket.



Et puis, la vie continue…

Quand le Cégep arrive enfin, peu d’entre nous continuent à jouer au basket. Petit à petit, le basket disparaît de nos vies… L’adolescence est finie.


À 16 ans, j’avais choisi le basket au lieu du théâtre; à 17 ans, j’ai choisi les sciences au lieu des arts. Mais à 18 ans, j’ai changé de cap. J’étais une adulte maintenant et il fallait que je pense à moi en premier. Alors j’ai étudié en communications et littérature, puis en cinéma à Montréal. Et, à l’été 1994, même si je savais que je ne reverrais plus aussi souvent mes copines d’enfance, mes copines de basket, je suis partie pour l’Alberta. Et qu’est-ce qui s’est présenté à moi (chassez le naturel et il reviendra au galot)? L’opportunité de faire du théâtre. Cette fois-ci, j’ai vraiment répondu à l’appel artistique. J’étais prête.


And the rest, as they say, is history.

Voilà, merci d’avoir lu mes « basketball diaries ».

21.1.07

Bouddha et l'air pur

Je viens de lire sur le web un article qui nous a fait sourire, moi et mon chum : http://www.cyberpresse.ca/article/20070117/CPACTUEL/70117057&SearchID=73269748943004

Selon cette étude, les gens ayant choisi le végétarisme auraient un Q.I. supérieur à la moyenne! Attention, mangez végé ne vous rend pas plus intelligent, mais les gens qui sont déjà intelligents auraient mieux compris qu’il est préférable pour leur santé et celle de la planète de manger moins de viande... Quand on pense à tout le gazon que ça prend pour nourrir une vache, quand on pense à tout le méthane qui est produit par ces mêmes vaches (on attaque toujours les pots d’échappement des voitures, mais avez-vous déjà pensé à ce qui sort du trou de pet de tous ces animaux que nous engraissons à la chaîne?)… on a effectivement envie de devenir végé.

Depuis quelques temps, les producteurs de cochonneries des prairies ont peur d'avoir à payer plus cher le grain qui sert à engraisser leurs porcs puisque le gouvernement vise, d’ici 2010, à ce que 5% de l’essence soit constituée d’éthanol (produit par les céréales). Ma solution? Produisons de l’éthanol, mais oui! Et arrêtons de manger du cochon!



Je ne mange plus de viande depuis plus de dix ans et je ne me rappelle pas la dernière fois que j’ai goûté à de la cochonnade (à part l’occasionnel petit rouleau de printemps soi-disant végétarien qui m’a peut-être fait avaler quelques miettes de porc par mégarde)… Je mange tout de même un peu de poisson (mais de moins en moins à cause des taux élevés de mercure qu’on y trouve maintenant) et des fruits de mer, et parfois une petite tranchette de dinde le soir de Noël pour honorer les 12 heures que la cuisinière a passées devant les fourneaux. À vrai dire, le goût de la viande ne me manque pas du tout. J’ai même déjà eu un haut-le-cœur puissant en mangeant un végé-burger trop véridique.

Mon grand-père était boucher et pourtant j’ai toujours détesté la viande rouge, surtout le bœuf. En steak, en tranche, en t-bone, en boulette, rôti ou haché… beurk. Le poulet, ça allait toujours au niveau du goût, sauf que ce sont les McCroquettes avec leurs trop fréquentes bouchées surprise de chwing-chwing (vous savez, ces petits bouts rebondissants qui vous sautillent dans la bouche, impossibles à mastiquer?) qui ont mis un embargo définitif sur ma consommation de poules (ça et les légendes urbaines – à laquelles j’aime croire d’ailleurs - qui racontent que les poulets Kentucky poussent sans ailes, sans becs et sans pattes pour être plus facilement pannés et passés à la friteuse).



Le bacon, le jambon, toute cette bidoche (je suis mariée à un Français, ça commence à s’entendre, non?) où l’on voit à l’œil nu les filaments de gras blanc me lève le cœur. Dans ma tendre enfance, j'ai parfois toléré l'ingestion d'un morceau de jambon fumé quand il avait cuit avec une tranche d’ananas sur le dessus. Le goût de fumé et le mélange sucré-salé me faisait oublier la texture et avaler le reste.



Pourtant, la semaine dernière, je vous le jure, j’ai mangé du jambon. Du jambon fumé à part de ça. Et du poulet, et du porc, et quelque chose qui ressemblait à du bœuf au gingembre. Non, détrompez-vous, je ne me suis pas reconvertie au carnivorisme, aucun animal n’a été dépecé pour aboutir dans mon assiette. J’ai seulement fait un voyage dans le monde magique… des « fake meats »!

Nous avons dans notre charmant Chinatown, un trésor caché qui s’appelle le PADMANADI. Un resto végétarien, bouddhiste pour être plus précis, où vous trouverez au menu le curry de poulet, le porc à la sauce teriaki ou les crevettes à la sauce aigre-douce. Véritables petits bijoux de confection culinaire, ces morceaux de fausse viande sont fabriqués à partir de dérivés divers du soya et autres ingrédients végétaliens.


Selon la tradition bouddhiste, l’ail et les oignons sont aussi proscrits puisqu'ils sont pour eux des poisons lents, et pourtant, les saveurs délicieuses et les subtilités des arômes sont au rendez-vous. En plus, l’addition ne fait pas de trou dans notre portefeuille et, comme du merveilleux, nous préservons un peu plus longtemps notre air pur de plusieurs milliers de pets de cochons et de vaches.

Mangeons comme Bouddha et sauvons la planète!

Sympa, le petit Babiak.

Encore une preuve qu’Edmonton couve une faune humaine fabuleuse et un milieu des arts non seulement accueillant mais surprenant : l’auteur du Garneau Block a laissé un message sur mon blog suite à sa lecture de mon billet sur son bouquin. Sympathique, non?

J’ai bien hâte de lire son nouveau livre, dont le dernier chapitre vient d’être publié dans le Edmonton Journal. À l’automne, The Book of Stanley paraîtra chez le même éditeur que le Garneau Block … En plus de ses chroniques culturelles et de son blog au journal, Todd Babiak a aussi son propre blog sur son site www.toddbabiak.com.

Productif, le petit Babiak.

13.1.07

The Garneau Block


Je sais que ce n’est pas nécessairement une nouveauté puisqu’il a été publié l’automne dernier, après avoir paru un chapitre à la fois de façon hebdomadaire dans le Edmonton Journal l’année dernière. Mais j’ai envie de vous parler de ce bouquin. The Garneau Block, de Todd Babiak. Le petit Babiak est un gars d’Edmonton, qui a grandi à Leduc (la ville qui regarde voler les avions qui quittent et atterrissent à l’aéroport international d’Edmonton). Il était étudiant à l’université de l’Alberta quand j’étudiais à la Faculté Saint-Jean (1994-95). Pendant qu’au campus du quartier Bonnie Doon, nous nous battions pour avoir une demie page en français dans le journal de la U of A, Todd Babiak y publiait à chaque semaine un billet bien mordant que je lisais avec fidélité. Son écriture avait une bonne dose d’humour et d’esprit, et il était mignon par-dessus le marché. Je l’ai rencontré, une fois, derrière le REBAR (nous fumions un joint en cachette avec les colocs et il était venu faire la même chose avec les siens). Je lui avais dit quelques mots à propos du Gateway (je ne me souviens plus très bien quoi…) et il avait été, franchement… snob (je ne me souviens plus très bien ce qu’il m’avait dit, mais le ton était plutôt condescendant). Quelle déception. J’apprenais que Todd Babiak était frais-chié. L’année d’après, il est parti faire sa maîtrise à Concordia, Montréal. Moi, j’ai créé, avec d’autres étudiants de la Fac, « Le Mouton noir ». Nous étions les rejets de l’université, autant avoir une feuille de chou qui parlerait pour nous.


Une dizaine d’années plus tard, le petit Babiak est de retour en ville. Il est le chroniqueur culturel du EJ et il a écrit deux romans. De temps à autre, je lis ses articles qui n’ont pas perdu de leur humour, mais c’est seulement quand je l’ai entendu parler de sa vision de la ville d’Edmonton que j’ai eu envie de lire The Garneau Block.

Les gens regardent souvent de haut « la ville des champions » (et je comprends pourquoi, avec un tel slogan…). Deadmonton, Edmonotone, les surnoms méchants abondent. Les gens d’ailleurs et même les edmontoniens nous demandent souvent : « tu viens du Québec, mais pourquoi tu choisis de vivre à EDMONTON?! »

C’est une bonne question. Et je n’ai pas toujours su y répondre.

« Ce sont les gens qui font une ville ». « Il n’y a pas de taxe provinciale ». « Les gens sont polis, ils arrêtent leur voiture pour nous laisser traverser la rue ». « Il y a de belles opportunités d’emplois… »

Oui, mais… il doit y avoir plus que ça?

Cet été, ça fera 13 ans que je vis ici. Selon moi, Edmonton est une ville caméléon. Tout au long de ma vingtaine, dans ma quête identitaire, dans ma quête vocationnelle, dans ma quête amoureuse, Edmonton a revêtu des personnalités différentes. J’avais toujours le sentiment de la découvrir sous un nouvel angle. Je m’y suis toujours sentie à la fois étrangère et tout à fait à ma place. Jamais vraiment chez moi, mais tout à fait confortable. C’est peut-être la magie des villes multiculturelles, des villes dépareillées ou toujours en pleine effervescence. Edmonton s’est toujours adaptée à ce que je vivais, elle a été le décor parfait de ma vie ici, tout en y jouant un rôle intégral.



Babiak mentionnait en entrevue de promotion que l’on dépeint toujours l’Alberta comme étant rurale et cow-boy. What about the cities? Il citait des auteurs comme Mordechai Richler, Michel Tremblay et Leonard Cohen qui ont intégré la ville de Montréal à leurs œuvres. Ils lui ont donné un « pouvoir mythique ». La ville est le décor, mais la ville est aussi le personnage, elle joue son rôle. Au Québec, depuis Tremblay, on a situé des centaines de récits sur le Plateau Mont-Royal, que ce soit en littérature, au cinéma ou à la télé. En fait, le québécophile qui n’aurait que ces œuvres pour se faire une idée du Québec penserait que tous les Québécois sont de jeunes trentenaires ayant des problèmes de fidélité, magasinant sur la rue Saint-Denis et travaillant soit dans le milieu du théâtre ou celui des magazines de mode (d’ailleurs, ça commence à me taper un peu sur les nerfs tout ça).

Avec The Garneau Block, Babiak a voulu mettre en scène une des quartiers les plus vibrants d’Edmonton et quelques-uns de ses archétypes sociaux. Suite au mystérieux meurtre d’un habitant du quartier Garneau, on suit les tribulations d’une trentenaire enceinte qui vit dans le sous-sol de ses parents, son meilleur ami, un comédien gay qui remet sa vie en question, un prof de philo lubrique qui se bat avec son démon du midi, un couple de retraités qui partagent leurs passions entre l’activisme et des envies de gloire au Parti conservateur et un jeune millionnaire sikh qui subventionne des artistes. On leur apprend finalement que leurs résidences seront bientôt détruites pour laisser place à un nouveau centre universitaire. Autour de ce qu'on a baptisé ici "le district théâtral" à cause du grand festival Fringe et des nombreuses salles de théâtre, autour du High Level Bridge, de l’avenue Whyte, de l’université et du café le Sugar Bowl, les personnages et l’auteur nous dévoilent alors tout ce qui fait d’Edmonton, une ville de … « champions », à sa manière.


Si vous ne connaissez pas Edmonton et ne comprenez pas pourquoi je n’y suis pas misérable depuis tant d’années, lisez The Garneau Block, aux Éditions McClelland & Stewart.

9.1.07

Pensées éparpillées et caféinées

Si elle était toujours vivante, Simone de Beauvoir fêterait aujourd’hui son 99ème anniversaire. En son honneur, je porte aujourd’hui mon veston vintage avec des patchs de suède noir sur les coudes et j’ai vernis mes ongles en rouge bourgogne. Disons que j’avais du temps à perdre et envie de donner à cette journée calme un peu de son pouvoir mythique.



(Je parle de « mythic power » parce que je suis en train de terminer la lecture de The Garneau Block, un bouquin de Todd Babiak, un gars d’Edmonton qui allait à l’université en même temps que moi. Je vous en reparlerai dans mon blog dès que je l’aurai terminé.)

Je pense donc au Castor et je réfléchis. Je regarde autour de moi. Les gens qui marchent et traversent la 99ème rue. Je pense que le café pour emporter est devenu la nouvelle cigarette. Personne ne fait plus deux pas sans auparavant aller se procurer ce fameux grand latte ou ce légendaire moccachino caramel. Un café sucré dans un grand verre de carton blanc. Pour emporter. Le grand verre de carton blanc a remplacé la pré-roulée blanche, il est porté aux lèvres plusieurs fois par jour, trimballé à la main comme la nouvelle commodité, la nouvelle source de réconfort, la nouvelle dépendance, le nouveau look tendance qu’il faut avoir sur soi. Une drogue en a remplacé une autre, une nouvelle habitude a été mise en marché par des corporations qui en font les nouveaux frais, de nouvelles générations de cultivateurs sont exploitées. Partout, on voit les buveurs de Starbucks, verre de carton blanc à la main quand ils marchent sur l’avenue Whyte, ou dans leur chariot d’épicerie quand ils font leur Safeway, ou dans le porte-breuvage de leur voiture quand ils roulent en solitaire vers leur lieu de travail. On ne peut plus s’en passer.

Remarquez que, contrairement au tabac, le café, s’il n’est pas consommé en quantité industrielle et si on le boit sans gras et sans sucre, est sans danger pour la santé. Selon certains chercheurs, il a même des propriétés bénéfiques pour celui qui l’absorbe : antioxydant et éclaircisseur d’esprit. J’aime le croire, car j’adore le café, moi aussi. Mais je préfère le savourer assise, en lisant, en écrivant, ou en parlant avec quelqu’un. Et je sais, je suis une snob qui se prend pour une Européenne : je ne bois que des espressos. Un par jour. Jamais plus, sinon j’ai les shakes. Le café filtre, ça me donne des gargouillis dans les boyaux. Alors je m’abstiens.

Évidemment, oui, moi aussi je préférerais ne consommer que le café de commerce équitable et de culture biologique, mais ce n’est pas toujours possible. Alors j’essaie de favoriser les entreprises indépendantes et d’éviter les chaînes commerciales. Pas toujours facile, surtout quand Edmonton commence à ressembler à Vancouver, avec un Starbucks à tous les coins de rues.

Je rêve à ces sociétés de café qui régnaient dans les siècles passés en Europe (eh oui, encore l’Europe). Berceaux des grandes révolutions, refuges des artistes, les gens se retrouvaient dans les cafés pour refaire le monde, faire des rencontres, partager leurs idées. (Simone de Beauvoir a écrit la plupart de ses oeuvres dans les cafés du boulevard Saint-Germain.)



J’ai beaucoup réfléchi là-dessus en faisant mon documentaire sur les centres d’achats… Dans nos sociétés nord-américaines, à cause de la configuration des quartiers résidentiels, de la grande superficie des villes, du phénomène des banlieues, du climat difficile en hiver, du règne de la voiture aux dépens de la marche, la vie de quartier n’existe pratiquement pas. Pas de rituel de café du matin pour partir la journée comme en Italie, ni la culture de l’apéro comme en France, où les gens se rencontrent au bistro pour prendre un verre après le travail.

J’ai la chance de vivre dans le quartier du vieux Strathcona, à 15 minutes à pied des restos, des théâtres et des boutiques de la Whyte, là où il y a encore des caféinomanes qui fréquentent des cafés. Mais, trop souvent, ils se cachent derrière un journal ou leur écran d’ordinateur. Je sais, c’est ce que je fais tout le temps. Mais parfois, j’ai quand même la chance (surtout depuis qu’il y a le Wild Earth à deux coins de rue de chez moi) de tomber sur un ami ou une voisine et quand nous avons le temps, nous sirotons ensemble un café qui n’a pas été servi dans un grand verre de carton blanc. Nous prenons le temps de discuter et nous refaisons le monde. Assis. Comme si nous étions sur le boulevard Saint-Germain...

2.1.07

Lobotomisée par Sex and the City

Janvier. Je suis en congé. Je suis vidée.

Je crois que je souffre du creux post-créatif. Après deux mois intense de trac omniprésent et obnubilant, j’ai la pile à terre. Je n’arrive pas à me remettre en marche! Le gaga-down après le méga-high. En plus, il fait gris, le ciel est bas, les rues sont sales et les journées sont si courtes qu’en clignant des yeux trop longtemps on risque de les manquer.

J’avais tellement hâte à janvier pour pouvoir respirer un peu, prendre le temps de siroter des cafés devant mon ordinateur portable, écrire des nouvelles et me complaire dans mon journal personnel… Mais, je n’ai rien à raconter. Je suis lobotomisée.

Devrais-je aussi blâmer Sex in the City? Mon amie Yannick m’a prêtée les saisons 4, 5 et 6 de la légendaire série pendant le temps des Fêtes. Comme la grippe m’a légumisée en plus de me vider, Seb et moi avons dévoré les aventures des 4 célibataires new-yorkaises en quelques jours. Depuis, mon esprit vogue entre une promenade dans Central Park, un ensemble Marc Jacobs et un cocktail Cosmopolitan.



J’aurais envie d’être ailleurs, New York ou Paris ou Barcelone ou Rome, n’importe où il n’y a pas de bancs de neige bruns, n’importe où il y a plus de 8 heures de lumière par jour. Ailleurs, où l’on peut marcher, marcher, dehors, dehors. Sans respirer de la particule de gadoue ou des vapes de SUV. Sans porter un mille feuilles de lainage, sans avoir de crampons aux semelles ou un capot sur le coco.


Mais je ne suis pas Carrie devant son Mac dans son appart, je ne porte pas de Manolo Blahnik, je n’ai pas la libido de Samantha, ni l'ambition de Miranda, ni le goût de la perfection de Charlotte. Je suis une petite Jojo sans inspiration devant son iBook dans un café. Je n’ai pas d’idée pour commencer une nouvelle nouvelle, j’ai déjà déblatéré pendant une heure des insignifiances dans mon journal personnel… alors j’écris ce billet pour mon blog. Vive les blogs. Pendant quelques minutes, par une journée grise de janvier, ils nous redonnent un élan vers le haut, vers une créativité renouvelée.