18.9.06

Changer son nom pour septembre **

(** j’emprunte ici la traduction française du titre d’un poème de Myrna Garanis qui participera en fin de semaine à la LEONARD COHEN NIGHT.)


En 1967, Adrienne Clarkson animait l’émission « Take 30 » à CBC. Leonard Cohen venait de publier son deuxième roman : Beautiful Losers. En entrevue de fond avec celle qui allait un jour devenir notre Gouverneure générale, Cohen avait lancé que s’il avait à changer de nom, il choisirait septembre.

Cohen aura 72 ans le 21 septembre prochain. Ma nièce Alysée partage la même date d’anniversaire que lui. Ma filleule Frédérique est née le 7, mon frère Alain le 5. Le mois de septembre est rempli de dates significatives. Le 23 septembre, c’est le nouvel an juif, et dimanche prochain commence le Ramadan. Et comment ne pas mentionner que cinq ans se sont écoulés depuis le fameux 11 septembre. Et maintenant, nous ajoutons à l’histoire le 13 septembre, avec la fusillade du Collège Dawson.

Je n’avais pas envie de parler du 11 septembre dans mon blog, ni de Kimveer Gill, mais on dirait que septembre nous fait vivre, encore une fois, trop d’émotions pour simplement les balayer sous le tapis.


Le 11 septembre 2001, vers 7 heures du matin, je me suis réveillée dans mon lit à la Centrale. La radio était à CHFA et on annonçait qu’un avion venait de percuter le World Trade Centre. Deux minutes plus tard, nous étions tous devant la télé, Yanik, Laulie, Guillaume et moi. En regardant CNN live, nous avons vu le deuxième avion s’écraser foncer dans l’autre tour. Nous étions bouche bée. Nous étions comme tout le monde. Scotchés devant la télé toute la journée pour comprendre. Pour s’imprégner de cet événement majeur qui, nous l’avons senti tout de suite, allait marquer l’histoire. Notre génération avait toujours été un peu insouciante des grandes catastrophes, des grandes guerres ou des tragédies qui frappaient ailleurs que chez nous. Le seul événement tragique qui ait pu nous marquer, c’est peut-être la tuerie à l’École Polytechnique en 1989. J’avais 16 ans à l’époque et ça m’avait surtout touchée parce que j’étais une fille et qu’on me poussait justement à devenir ingénieur à cause de mes bonnes notes.

Le 11 septembre 2001, j’étais surtout inquiète de savoir comment se portait le trafic aérien dans le reste du monde puisque que Laulie et moi devions partir pour Amsterdam trois jours plus tard. Nous sommes effectivement parties, le 14 septembre, avec 8 heures de retard, pour un voyage d’un mois au Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg. Les back packers américains que nous avons rencontrés durant ce voyage ne comprenaient pas ce qui arrivait à leur pays, ils ne savaient pas à quel point ils étaient détestés partout dans le monde. Pour Laulie, c’était un premier voyage outremer; pour moi, c’était la fin d’une relation amoureuse de 4 ans, puisque Yanik et moi étions, inconsciemment, en processus de se séparer. C’est durant ce mois de septembre que j’ai adopté officiellement ma vie de pigiste, que je suis tombée en amour avec ces moments intenses d’écriture dans les cafés, que j’ai finalement accepté que j’étais une artiste. J’aurais effectivement, à ce moment-là, pu changer mon nom pour septembre.


Cinq ans plus tard.

Peut-on dire que les choses dans le monde ont tellement changé? On cherche encore Ben Laden, on brasse encore la même merde en Irak, on se mêle encore des affaires des autres en Afghanistan. Encore aujourd’hui on a annoncé la mort de 4 soldats canadiens. Et à toutes les émissions de nouvelles, on essaie de comprendre ce qui pousse encore des jeunes qui sont mal dans leur peau à s’armer jusqu’aux dents pour aller tirer sur leurs pairs dans une école.

Le registre des armes à feu, le contrôle des sites internet, la sécurité dans les écoles… On radote encore là-dessus. Depuis des années. Mais on ne parle jamais des vraies choses. De la racine même de tout ce mal. De toute cette haine. De toute cette peur. Je ne crois pas au bien et au mal. Je ne crois qu’en deux pôles, d’une part l’amour, et de l’autre, la peur. Et quand je regarde tout ce qui se passe encore en 2006, je n’en reviens pas. Nous n’allons pas bien. Pas bien du tout. On dirait qu’il n’y a que les mois de septembre pour nous brasser la cage et nous rappeler qu’il faut faire quelque chose pour que ça change.

Comme s’aimer un peu plus. S’aimer beaucoup plus. Sinon, ça va encore péter en septembre l’année prochaine.








n.b. : SEPTEMBRE GLORIEUX

Je m’en voudrais tout de même de ne pas raconter toutes les belles choses qui se passent ici en ce moment.

LA P’TITE SCÈNE
Nous avons relancé notre populaire soirée cabaret! Dans un tout nouveau décor, la P’tite scène est de retour depuis le 9 septembre, dans le Café des artistes. Des foules jamais vues auparavant se sont pressées pour venir prendre un verre et écouter de la musique. Une moyenne de 100 personnes ont visité la P’tite scène lors de ces deux premières soirées. Ne manquez pas cette semaine, une soirée « scène ouverte » avec nos meilleurs chansonniers!


LEONARD COHEN NIGHT
Je l’ai déjà pluggée plusieurs fois, mais je vous rappelle que la grande soirée aura lieu ce samedi, le 23 septembre.


FEMMES SEULES
C’est un reportage que mon ami, le journaliste Kevin Sweet de Radio-Canada, a réalisé sur les veuves du génocide rwandais et sur le travail de Nicole Pageau, qui dédie maintenant sa vie pour leur redonner dignité et amour. Très touchant, très beau. Ça fait réfléchir et c’est tout à fait à point avec ce qui se passe présentement au Darfour.


Glorieux septembre…
Autour de moi, les gens vivent de grands moments. Une de nos amies est récemment tombée en amour pendant un voyage au Rwanda. Une autre amie se fait ardemment courtisée depuis une semaine (une rencontre amoureuse à la P’tite scène! Yé!). Il y a la belle Lisette qui a acheté ses billets d’avion cette semaine pour son voyage autour du monde! Elle réalise son grand rêve, elle prend un congé sans solde d’un an pour voyager. Bravo! Kevin s’est acheté un chat, Rufus. Et jusqu’à date, il ne semble pas vouloir le rapporter au magasin. Notre amie Eveline va peut-être, finalement, nous présenter son fiancé (on commence à douter de son existence). Mon amoureux a trouvé un chantier où il est heureux et stimulé intellectuellement. Il travaille fort et ça se voit sur son corps de dieu… Et pour ma part, je viens de déposer une demande de subvention au Conseil des arts pour l’écriture d’une pièce de théâtre.

Allez SEPTEMBRE! Continue de brasser nos vies… glorieusement.

6.9.06

La vie des gens riches... et libres

Depuis hier matin, je suis riche.

Je vous le dis. Riche parce que je n’ai plus de dettes. Oui, oui, croyez-moi, aucune dette. Je viens de faire le dernier paiement sur mon prêt étudiant. Fini! Bon, je sais, j’ai pris mon temps, dix ans pour être précise, j’aurais probablement pu le rembourser en quelques années, comme tout le monde. Mais j’ai choisi de voyager parce que c’était le seul investissement répondant à mes valeurs et à mes rêves. Grâce à ce remboursement au compte-gouttes, j’ai fait 8 séjours de plusieurs mois chacun, en Europe et en Amérique latine.

Faut dire aussi que je suis une artiste qui travaille à la pige. Selon les standards albertains, je vis sous le seuil de la pauvreté, que dis-je, je gis sous le paillasson de la porte de la normalité en matière de revenus. Mais, au moins, je ne croule pas sous les dettes (pas de maison, pas de voiture, pas de télé 52 pouces, pas de barbecue). Ce qui fait de moi… une personne riche. Non?

Bon, je n’ai pas des surplus de plusieurs milliards dans mes coffres comme une certaine province que l’on ne nommera pas. Mais je ne suis pas dans le trou.

Pourtant, ce n’est vraiment pas la mode. En plus des centaines d’offres « achetez maintenant, payez dans 5 ans » pour des divans en cuir, des jacuzzi ou des VUS, la nouvelle tendance est l’achat de maisons à des prix exorbitants. C’est la folie furieuse. Partout en Alberta, avec l’arrivée massive des chercheurs de big bucks, tout le monde se garoche! Les gens se sentent coincés et obligés d’acheter NOW NOW NOW avant que ça monte encore, les offres d’achats sont faites dans le stress et le chaos, les paniqués achètent leur cabane à l’encan, ils paient des fortunes pour des maisons minuscules perdues dans les trous de la banlieue ou ils aboutissent dans des condos fades avec vue sur le balcon du voisin. Ils emménagent sans même ressentir la joie de se savoir nouveaux propriétaires et pour se rassurer d’avoir fait la bonne chose ils passent leur temps à vérifier la nouvelle valeur foncière de leur investissement, je vous le dis, on ne parle plus que de ça dans les partys et ceux qui ont acheté il y a quelques années se tapent dans le dos, mais se demandent quand même s’ils ne devraient pas vendre au cas où il y aurait un crash ou quelques cennes à faire, BREF, tout le monde est stressé et ne jase que d’argent et d’investissement et ça me donne MAL AU VENTRE! MERDE!

Oui! Je l’avoue, je dois le partager, à cause de la situation économique de ma terre d’adoption (et mon âge peut-être aussi), je ressens quelque stress en pensant à mon compte de banque depuis quelque temps. Tout me fait miroiter mon avenir de pauvre. Quand on voit que l’écrivain moyen (qui réussit pourtant à publier 10 000 exemplaires de son livre) ne peut vivre que trois mois avec les revenus directs de la publication… quand on sait pertinemment que le milieu du théâtre est le plus mal payé des milieux de la scène… et quand on ne peut nier que le marché artistique francophone canadien est infiniment petit et que même au Québec tous les artistes en arrachent… quand on est comme moi une artiste francophone en Alberta… peut-on vraiment avoir l’espoir de faire un jour assez de sous pour se payer un toit à soi?


Si je voulais être à la mode et faire comme le tout le monde, j'aurais deux choix : attendre que mon chum fasse assez d'argent pour nous bâtir une maison de paille ou trouver une job à temps plein dans une commission scolaire ou à Radio-Canada.

C’est drôle, mais ça ne me tente pas. Pour le moment, je pense que je vais devoir me contenter d’être riche, à ma manière. Libre.