16.1.08

Jouer au docteur




Enfant, je n’ai jamais vraiment aimé jouer au docteur. Je me rappelle du kit Fisher Price qu’avait ma cousine Caroline, avec le stéthoscope rouge-jaune-bleu, le thermomètre qu’on pouvait tourner pour faire monter le mercure et la fausse seringue qu’on remplissait d’eau. On ne jouait jamais vraiment plus longtemps que cinq ou dix minutes, le temps d’utiliser une fois tous les instruments avant de passer rapidement à des jeux plus inventifs. Comme bâtir des abris avec les coussins des divans et faire des labyrinthes avec les pochettes des disques en vinyle. Ou jouer aux Barbies, bien sûr.

Je n’ai jamais vraiment aimé les émissions de télé qui prennent place dans les salles d’urgence non plus, et même si mes amis essaient de me convaincre de regarder Grey’s Anatomy, je ne réussis pas à m’attacher au monde de la médecine.

Faut dire que les bureaux de docteur ou les urgences ne sont pas des endroits familiers puisque j’ai très rarement été malade ou blessée (je cogne du bois) et mes rares visites à l’hôpital se résument à aller voir de la famille en convalescence. Pour vous dire franchement, à elles seules l’odeur et la couleur des centres hospitaliers créent chez moi un franc malaise. Pour ne pas dire un brin d’anxiété. Jusqu’à tout récemment, la visite annuelle chez le gynécologue, les interventions chez le dentiste, même les examens chez l’optométriste ont toujours été pour moi des moments purement désagréables.

Il est donc assez surprenant que mon expérience de comédienne m’ait amené, il y a quelques années, à devenir « Standardized Patient » pour la faculté de médecine de l’université. Payants et pas très compliqués, ces petits contrats de fausse patiente ont réussi à me guérir de ma phobie des soins de santé.

Jusqu’ici, j’ai joué une jeune maman dont le bébé ne veut pas manger, j’ai joué une étudiante atteinte d’hyperthyroïdisme, j’ai joué une ancienne party-girl qui veut se faire tester pour l’hépatite C et le VIH avant d’entrer à l’école de médecine, j’ai joué une gardienne de prison qui s’inquiète d’une toux sèche chronique. J’ai aussi servi de mannequin vivant pour que les étudiants s’entraînent à prendre le pouls et la pression, pour qu’ils sachent comment palper l’abdomen et même faire une mammographie! (En ce qui concerne les examens mammaires, je ne l’ai fait qu’une fois parce qu’on priorise d’abord les actrices qui ont plus de 45 ans… Je crois qu’il s’agit de ne pas créer de gêne chez les étudiants un peu trop ‘verts’. Ils ont pour la plupart entre 21 et 25 ans… certains n’ont pas encore beaucoup d’expérience de vie. Je repense à ce petit Chinois qui, je mettrais ma main au feu, n’avait probablement jamais touché à un sein de sa vie avant de tâter le mien! On me dit aussi que l’exercice est plus confortable pour les actrices qui ont des poitrines généreuses, question d’être parées de tissus graisseux résistants mieux aux mains maladroites et raides des étudiants nerveux. Cela dit, je respecte tout à fait ces critères de sélection, je suis heureuse d’avoir fait l’expérience une fois et de ne plus avoir à la répéter!)

Ce que je préfère dans ces contrats, ce sont les rôles écrits pour exercer les étudiants à faire l’historique du patient : familial, social, psychologique et physiologique. Les scénarios sont toujours assez loin de ma réalité (ce matin, je devais jouer une femme divorcée qui a décidé de retourner vivre chez ses parents pour reprendre des études en génétique) et les directives qu’on nous donne sont toujours trop limitées pour répondre à toutes les questions des étudiants. Il faut alors inventer, tout en étant crédible et cohérent. Excellent exercice de jeu et de composition de personnage!

En général aussi, les étudiants (souvent à leur première ou deuxième année d’études) sont super nerveux (je n’ai jamais serré autant de mains moites et glaciales), mais très sympathiques. Ce sont de jeunes gens intelligents et sensibles. Ça me rassure et assomme le cliché que, de nos jours, les jeunes médecins n’ont plus la vocation et ne songent qu’à faire du cash.


Je n’ai jamais aimé jouer au docteur, mais grâce au théâtre, j’ai appris à aimer jouer à la patiente. Hum… La vie ne cessera jamais de m’étonner.

2 commentaires:

Anonyme a dit...

LOL LOL tu m'as bien fait rire avec ton kit fisher price......trop drole !!

ta cousine caro
xxx

sébastien guillier sahuqué a dit...

Moi j'aime bien joué au docteur...