13.9.07

L’automne albertain : ma journée préférée

J’ai toujours prétendu que ma saison préférée était l’automne. Probablement parce que, dans la province qui m’a vu naître, l’automne est la saison la plus somptueuse, la plus colorée et la plus romantique. Depuis que je me suis exilée et après de nombreux voyages dans des contrées ensoleillées et au climat sec, j’ai découvert ma nature méditerranéenne, les bienfaits de la lumière sur mon mental et surtout la légèreté qui m’enivre quand je ne suis pas accablée par l’humidité. Je n’ai pas vécu l’automne québécois depuis quatorze ans, ce qui se résume à dire que je n’ai pas vécu d’automne tout court depuis quatorze puisqu’en Alberta, l’automne, ça n’existe pas. Un jour, vous êtes en été, le lendemain, c’est l’hiver. (Vous vous apercevez subitement que les feuilles ont jauni tout d’un coup et sont tombées au sol pendant une de ces nuits venteuses typiques du mois de septembre, et voilà, on n’en parle plus, les arbres sont tout nus comme ils le sont de toutes façons 9 mois sur 12, la neige est à nos portes, et les bonheurs d’été, eux, sont déjà au rang des souvenirs lointains.)

La plus belle saison de ma jeunesse n’existe donc pas par ici, sauf peut-être par une journée comme aujourd’hui.

Mi-septembre, mi-semaine, mi-habitué à la routine de la nouvelle année du calendrier scolaire, on se lève un matin et Environnement Canada annonce un maximum de 7 degrés. À dire vrai, sur le site de Météo Média, on précise que la température ressentie est de –1 degré Celcius. On jette un coup d’œil dehors. Les gens ont remonté le col de leur veste, ils ont croisé les bras pour se réchauffer, rentré la tête dans leurs épaules, ils marchent d’un pas pressé, soufflés par le vent qui les plie presque en deux. On entend presque leur surprise, leur incompréhension, what the f**, comment peut-il faire aussi froid quand hier il faisait 22 degrés… Ceux qui portent encore leurs sandales se disent qu’ils vont attraper la crève, ceux qui ont pensé mettre un manteau regrettent de ne pas avoir apporté de gants.

C’est l’entre-deux saisonnier par excellence. On se demande quoi mettre, on n’a pas envie de sortir de la boule à mites nos pantalons de cor du roy, alors on enfile les deux ou trois premiers chandails de laine qui nous tombent sous la main et on enroule son écharpe d’été trois fois autour de son cou et on sort, tentant le tout pour le tout. Et, là, bien que l’on devrait être assommé d’un lourd coup de déprime, on se prend à trouver ça… merveilleux. On se balade dans le tourbillon des feuilles mortes, on se remplit d’une mélancolie romantique, on se voit, comme dans l’œil de la caméra de Woody Allen, embrumés dans nos complexités d’artistes, traversant Central Park pour chercher l’inspiration, les cheveux un peu gras et vêtu comme Annie Hall avec ses vestons d’homme et ses vieux chapeaux. On est assailli des meilleures idées de romans à écrire, on a des révélations sur la vie, on a envie de passer la journée à siroter du café dans un petit bistro européen en lisant Prévert ou d’aller visiter ce musée qu’on se dit qu’on devrait aller visiter un jour.

C’est la journée annuelle de l’automne albertain, alors il faut en profiter, elle arrive sans crier gare et repart aussi vite.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Thanks for writing this.