1.12.06

La fin de la P’tite scène

Vous l’aurez lu ici avant même que les communiqués de presse ne soient envoyés, avant même que les membres n’aient reçu le courriel officiel expliquant la décision du comité : la P’tite scène se retire. Nous préférons dire qu’il s’agit d’une pause indéfinie, mais honnêtement, nous n’en savons rien.

C’est dommage parce que ça aurait fait 5 ans en janvier que nous l’avons fondée, cette P’tite scène. Le projet avait démarré avec Érick Sirois, alors animateur culturel de l’ACFA régionale d’Edmonton, qui avait le mandat de mettre un peu de vie dans la Cité francophone. Mais le besoin le plus profond qui a motivé la fondation du projet était celui de notre groupe d’amis, artistes trop souvent inactifs, comédiens, musiciens, humoristes et chanteurs. Nous voulions monter sur la scène plus souvent, nous en avions marre d’attendre des contrats de la part de l’UniThéâtre ou du Gala de la chanson (les choses n’ont pas tellement changé depuis!). Et puis, comme la belle époque des bistros de la Faculté Saint-Jean était bel et bien révolue, il y avait dans la communauté un réel besoin d’un endroit pour se rencontrer, pour prendre un verre et fraterniser en français. Dans le salon de la Centrale, nous avons jasé de ça, Érick, Guillaume Bois et moi, nous nous sommes entendus sur un concept de 5 à 7, avec chansons et monologues humoristiques, j’ai lancé le nom de la P’tite scène, Érick a fait un logo et des posters, nous avons emprunté l’équipement technique de l’Uni, et le ??? janvier 2001, la P’tite scène voyait le jour.

Petit à petit, les 5 à 7 du vendredi soir sont devenus un must, les gens venaient pour nous voir faire les fous sur scène et pour prendre une bière. Au fil des ans, nous avons changé de local, les gars ont vu grand pendant que moi je faisais le tour de l’Europe pendant des mois, ils ont voulu en faire un bar et lentement la vocation artistique de la P’tite scène est devenue plus musicale. Guillaume a investi de sa poche pour acheter des tables et des chaises, on a trouvé de meilleurs haut-parleurs, on a créé un système de cartes de membre, Christian Tremblay s’est joint à la bande (en plus de Guy Cormier et Carl Lalancette, mais ceux-ci se sont retirés assez vite).

Éventuellement, Érick est retourné au Québec, moi je suis revenue d’Europe, et Nicole Pageau de la régionale m’a demandé de reprendre la barre de l’activité en m’en tenant au vendredi soir. Nous sommes revenus au concept du 5 à 7, nous avons été obligés de retourner dans le bistro, faute de local, Guillaume est reparti lui aussi au Québec. De nombreux bénévoles sont passés et venus, merci à tous, Laulie, Lisa, Gwen, Jimmy, Suzie, Renée…


Depuis deux ans, les petits vendredis soirs de la P’tite scène allaient bon train, du genre « petit train va loin ». Surtout depuis janvier dernier, à partir de ce moment où nous avons eu le contrôle complet de notre activité puisque le bistro Gaétan restait fermé le vendredi soir, nous avons vraiment réussi à recréer l’engouement des débuts, grâce au travail de Christian, Pat Henri, Mélissa Loiselle et Seb. L’ambiance était bonne, même si nous n’avions plus souvent d’artistes sur la scène, mais les soirées thématiques marchaient bien, et surtout, les gens aimaient se retrouver là, tous les vendredis. C’était simple, c’était chaleureux, la bière était bon marché, on avait du fun.

Jusqu’à septembre, quand le bistro a été vendu à deux entrepreneurs aux grandes ambitions capitalistes. Nous avons essayé de faire un arrangement convenable avec eux pour ne pas perdre l’essence fondamentale de la P’tite scène, mais nous n’avions plus le contrôle sur le bar et les prix de vente, nous étions constamment poussés à modifier notre direction artistique pour « vendre plus », pour que « le monde boive plus », pour que « les gens dansent et dépensent », nos prix de membres n’étaient plus respectés, ce que nous avions bâti lentement non plus… Finalement, ce que nous avions craint s’est réalisé : la « business » l’a emporté sur le développement communautaire et artistique.


La P’tite scène, depuis ses tous débuts, avait toujours été une entreprise menée de front par des passionnés, des bénévoles, jamais dans le but de « faire de l’argent ». Nous cherchions seulement à rentrer dans nos coûts et à pouvoir payer des cachets pour les artistes qui venaient faire des performances.

La vision et les objectifs des nouveaux gérants du Café des artistes ont trahi nos mandats, nos valeurs, et nous avons préféré nous retirer.


Cela dit, la P’tite scène n’est pas morte à jamais. Nous conservons son nom, son concept, son logo, ses membres; nous mettons simplement ses activités sur la glace. Nous prenons une pause bien méritée, nous prenons un temps de réflexion pour analyser les besoins de la communauté et ceux des artistes.


Ça me fait tout drôle. Il est presque 15h, vendredi après-midi, et je n’ai pas à me diriger vers la Cité pour installer la soirée. Ça me fait drôle, mais tout de même, ça m’attriste. Nous avions créé quelque chose de bien. Et l’argent a tout détruit.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Ahhhhh, l'Alberta et le besoin de faire de l'argent. Depuis des années, des gens se dirigent dans la province des conservateurs pour se libérer de leurs dettes tout en oubliant que la vraie liberté n'est pas celle de s'acheter une grosse maison ou un gros truck, mais de partager, de communiquer, d'évoluer en tant qu'être humain. Pendant mes 8 années en Alberta, La P'tite scène est l'un des projets qui m'a le plus motivé à créer. Chaque semaine, des francophones se rassemblaient pour parler la langue de Molière, en s'amusant, écoutant de la musique, des poèmes, des monologues, des éditoriaux. Nous avons investi corps et âmes pour donner une vie culturelle à cette francophonie albertaine. Il m'attriste de voir que certaines personnes pensent encore faire des profits dans une francophonie qui se bat constamment pour développer des initiatives. La P'tite Scène n'a jamais fait d'argent et plusieurs individus et/ou organisme ont déboursé de leur poche pour que les artistes et spectateurs puissent partager l'amour de la langue française. J'espère sincèrement que les nouveaux
"Capitalimerdistes" du Bistro tombent en morceaux. Merci à tous les "bénévolés" qui ont eu confiance envers nous (les créateurs de la P'tite Scène)et qui ont continué de travailler fort pour garder le tout en vie. N'oubliez pas que tout vient par cycle... le retour de la P'tite Scène se fera en temps et lieu et probablement plus solide que jamais. Bonne chance!!!