14.4.08

Toujours vrai


Depuis hier après-midi, je ne suis plus Clara Immerwahr. Cette femme forte, intelligente et passionnée a vécu en moi pendant près de deux mois. Parfois, la vie nous offre la chance d’entrer dans la peau d’un personnage magnifique, qui semble avoir été fait pour nous, sur mesure.


Comme je joue plus souvent la comédie que le drame, et puisque mes expériences théâtrales m’ont souvent fait voyager dans des sphères poético-abstraites (après tout, j’ai joué une femme-cheval, faut le faire…), le personnage de Clara Immerwahr a fait vibrer plusieurs cordes en moi. Clara Immerwahr était une féministe avant son temps. Première femme à obtenir un doctorat de chimie en Allemagne, elle était guidée par le désir d’améliorer le sort de l’humanité et plus particulièrement celui des femmes. Tout comme son mari Fritz Haber, elle avait la conviction que le rôle de la science repose sur sa mise en pratique. La science pour le bien de l’humanité.

Immerwahr veut dire « toujours vrai » en allemand. Clara Immerwahr vivait selon des principes et des convictions qu’elle n’a jamais trahis. Son sort fut donc tragique puisqu’elle n’a jamais été reconnue pour son travail de chimiste en collaboration avec son mari. Elle fut lentement anéantie par une société qui ne reconnaissait pas la place des femmes, puis fatalement trahie par l’homme avec qui elle avait fait le pacte de toujours continuer à chercher, à travailler, à savoir. Fritz Haber, chimiste de génie, intellectuel ambitieux, récipiendaire du Prix Nobel, sauvera d’abord l’Europe de la famine, mais verra ensuite son travail mis au service de la machine de guerre. Le gaz chlorique, aussi appelé le gaz moutarde, fera des ravages dans les tranchées de la Première guerre. Et son pesticide agricole, le Zyklon, servira ensuite dans les camps de concentration nazis. Son grand ami Alberta Einstein l’aura prévenu toute sa vie des dangers de la science au service du gouvernement. Mais, en août 1945, quand la bombe atomique éclatera à Hiroshima, Einstein découvrira que sa science était elle aussi un cadeau empoisonné.


Le métier d’acteur est encore nébuleux pour moi. Je suis une autodidacte du théâtre, j’ai toujours ‘joué’, imaginé, rêvé, créé des histoires, et comme je passe de la mise en scène à l’écriture et au jeu un peu au hasard des projets qui se présentent à moi depuis plusieurs années, mon travail d’actrice est toujours une révélation, une découverte. C’est parfois joyeux, parfois pénible, parfois naturel, parfois complètement perturbant. Dans le cas du Cadeau d’Einstein, je dois dire que l’expérience fut… passionnante. Prenante. Dès le tout début des répétitions, la magie a été au rendez-vous. Avec toute l’équipe. Même dans les moments de doute, de questionnements, de déroute, nous avons pris le parti de nous investir à fond, d’être toujours vrais, et ça a marché.

Je remercie l’univers pour ce très beau cadeau.

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Bonjour,
Auteur moi-même d’une biographie de Fritz Haber toujours en cours, je m’intéresse également aux destins de C. Immervahr et d’Einstein. Sauriez-vous me dire comment me procurer le texte avec lequel vous avez travaillé ? Merci par avance.

Deux sites où m'écrire :
http://www.editions-delcourt.fr/fritzhaber/
http://fritz-haber.over-blog.com/

Anonyme a dit...

Blog sympa! :-)