
Voyez-vous, Edmonton est une ville très culturelle, remplie d’artistes (je sais, ça surprend toujours les gens, mais y’a pas que des cowboys et des magnats du pétrole dans le coin). Pendant 9 ans, j’ai habité dans ce qu’on appelle un « fourplex », un petit bloc avec 4 appartements construits sur deux étages. Nous avions donc 3 chambres à l’étage et une au sous-sol. Au rez-de-chaussée, un grand salon avec balcon, une grande cuisine et une petite salle de bain. En plus de la chambre du sous-sol, un espace pour la laveuse-sécheuse et l'entreposage. Le prix de ce grand loyer? 600$. Aucune augmentation en 9 ans et toujours au minimum 4 locataires dans la place. Si vous faites le calcul assez vite, de 21 à 30 ans, ça ne m’a pas coûté très cher pour me loger et ça m’a permis de lentement développer une carrière d’artiste pigiste, en plus de voyager à tous les ans. Pensez-vous que j’en serais là si j’avais eu à payer 800 ou 900$ par mois pour avoir un toit sur ma tête?

À pareille date l’année dernière, juste après la fin des cours universitaires, je voyais chaque jour deux ou trois appartements à louer. Cette année, je peux compter sur les doigts de ma main les logements affichant le signe « For Rent ».

Comment font donc les gens qui gagnent 10$ de l’heure? Comment feront donc tous les artistes qui ont choisi Edmonton et l’appréciaient pour sa qualité de vie?
Dans des villes comme Montréal, Toronto ou New York, la gentrification pousse toujours les artistes à changer de quartier. Quand les vrais artistes montréalais (pas la petite poignée qui fait le front d’Échos-Vedettes) n’ont plus été capables de se payer le Plateau Mont-Royal, ils ont migré vers Hochelaga-Maisonneuve ou Saint-Henri. À New York, ils se sont installés à Brooklyn et maintenant ils sont encore forcés de bouger vers Queens.

Où iront les artistes, les marginaux, les jeunes familles d’Edmonton puisqu’ils ne pourront jamais se payer des cabanes à 400 000$? Je me le demande bien. Surtout que je fais partie de ces gens-là.
Seb et moi voulions trouver un plus grand logement l’année dernière. Louer une petite maison peut-être. Au moins, avoir une pièce de plus pour faire une chambre d’amis et un bureau. Cette alternative est devenue carrément impossible. Pour le moment, on s’accroche, en croisant les doigts, à notre petit « one-bedroom » en plein cœur du Old Strathcona. On embrasse nos planchers de bois franc, on savoure notre bon deal à 560$ par mois et on remercie l’univers d’avoir des proprios humains qui n’ont pas augmenté le prix de notre loyer encore, simplement parce qu’ils pourraient le faire (il n’y a pas de régie du logement en Alberta, les proprios peuvent donc faire ce qu’ils veulent… et ils le font).
Avant, je me disais « il y aura toujours Saskatoon! », mais non, ce n’est même plus une option puisque les villes de la Saskatchewan connaissent maintenant le même problème depuis qu’ils ont découvert des sables bitumineux dans le nord de la province!
Bah… si jamais on nous pousse au pied du mur et qu’on est obligés de nier nos vocations pour devenir fonctionnaire ou ingénieur, tant qu’à payer 1500$ de loyer par mois, on ira s’installer à Vancouver. Au moins, on aura la mer.